The Great Dictator 1939 1940 next previous
The Great Dictator Clippings 358/369
Jean Néry, Le Monde, Paris, France, April 12, 1945.
Crowd welcomes war prisoners in front of the
cinema Gaumont in Paris, which presents „Le Dictateur,“
Paris, April 1945, afp.
AFP, Agence France Presse.
„Le drame de la Passion par des marionnettes“
Editorial content. „,LE GRAND DICTATEUR‘
Il y aurait un long article assez mélancolique à écrire,
qui pourrait s'intituler: De Chariot soldat au Grand
Dictateur. Il montrerait la courbe du génie de Charlie Chaplin, ascendante avec le Cirque, la Ruée vers l'or, déjà
légèrement déclinante avec les Lumières de la ville et les Temps modernes, et accusant un fléchissement très net
avec le Grand Dictateur.
Ceux qui ne veulent pas reconnaître l'erreur de leur idole prétendent généralement que ce film pâtit de sa présentation tardive, mais qu'en se reportant à l'époque où il fut conçu et réalisé
on y aperçoit une sorte de divination prophétique
Sans doute nous est-il difficile, en France, de faire abstraction
de cinq années marquées de sacrifices et de souffrances.
Cependant, môme en les effaçant, pour deux heures, de sa
mémoire, il est impossible de ne pas être frappé de
l'indigence de pensée que révèle le scénario du Dictateur. La personnalité de celui-ci est esquissée en traits tellement
grossiers, la bouffonnerie côtoie à un tel point l'invraisemblance,
et, parallèlement, les rappels historiques sont tellement
dénués d'ampleur et de vérité que la cassure se fait de plus
en plus nette et de plus en plus profonde, tandis que
se déroulent les images, entre la sensibilité du spectateur
et les personnages de l'écran. On ne peut réprimer
un malaise physique comparable à celui qu'éprouverait
un incroyant lui-même s'il voyait jouer le drame
de la Passion par des marionnettes.
Quelques scènes permettent, tout de même, de retrouver
l'immense talent de Chaplin. La danse sur un trottoir,
notamment, est visiblement inspirée du célèbre ballet des petits
pains de la Ruée vers l'or, et quelques trouvailles
sonores prouvent que le célèbre mime a su s'adapter
à la technique nouvelle.
Mais le personnage de Chariot, tel que nous en avons l'impérissable souvenir, devait rester lui-même. Il se
suffisait amplement et ce fut le diminuer que de vouloir lui faire endosser une nouvelle personnalité. D'autant plus que
celle-ci manque de consistance et de véracité. Le principal
mérite de Charlie Chaplin fut d'incarner les qualités
et les défauts mineurs de l'homme. Chacun pouvait, peu ou
prou, se retrouver en lui et rire à ses propres réflexes.
Que n'a-t-il continué à exploiter cette veine qu'il avait mise
au jour avec tant de bonheur?
Jean Néry.“ (...)
Redaktioneller Inhalt
The Great Dictator 1939 1940 next previous